L'âge d'or de la peinture anglaise - de Reynolds à Turner
21 mars 2020La dernière exposition du musée du Luxembourg abordait la peinture anglaise. Cette exposition, construite à partir des chefs-d’oeuvre de la Tate Britain, mettait à l’honneur une période phare de l’histoire de la peinture en Angleterre, allant des années 1760 jusqu’à 1820 environ. Elle nous menait de la fondation de la Royal Academy, avec des artistes comme Reynolds et Gainsborough, jusqu’au nouveau tournant qui s’amorce au début du XIXe siècle, notamment avec Turner. Des grands classiques de l’art britannique y étaient exposés. Ces œuvres sont rarement présentés en France, je m’y suis donc rendue. Et en effet, ce fut une vraie découverte pour moi. J’ai beaucoup aimé cette exposition. J’ai photographié presque tous les tableaux exposés, et j’ai acheté un petit livre résumant l’exposition. Vous ne l’avez pas vu ? Je vous en fais un résumé, en reprenant les panneaux explicatifs de l'exposition.
A partir des années 1760, ils s’imposent dans le domaine du portrait. Ils obtiennent des commandes royales et sont les « peintres du roi ». La critique les oppose. Ils en jouent en produisant des œuvres invitant à la comparaison. Reynolds fait sa renommée auprès d’une élite, alors que Gainsborough exerce auprès d’une clientèle plus modeste. Dans les portraits, Reynolds emprunte à la statuaire antique les attitudes de ses modèles, Gainsborough insuffle la vie avec brio avec des couleurs chatoyantes. En 1768, ils font partie des membres fondateurs de la Royal Academy. Mais là encore, ils s’opposent. Reynolds devient le premier président et y exprime ses théories dans des discours très construits. Gainsborough se tient à distance et ne fait part de ses points de vue sur l’art qu’à travers une correspondance avec des intimes.
L’économie et l’urbanisme se développe rapidement, ce qui rend le marché florissant pour les portraitistes. Dans les années 1760, les portraitistes se font mieux connaître du public grâce aux multiplications des expositions publiques. Francis Cotes (1726-1770), peintre très apprécié de George III, aurait pu être un concurrent de Reynolds et Gainsborough, s’il n’était pas mort prématurément. Johan Zoffany (1733-1810), d’origine allemande, très en grâce auprès de la reine Charlotte, perce aussi dans ces années-là. Mais, c’est surtout Georges Romney (1734-1802) qui devient à Londres un portraitiste très en vogue auprès d’une société d’entrepreneurs et de marchands. Il base sa réputation sur son indépendance et non sur la famille royale et la Royal Academy comme les autres.
La mort de Gainsborough et de Reynolds, laisse le champs libre à une nouvelle génération. John Hoppner (1758-1810) et William Beechey (1753-1839) sont les figures montantes. Leurs œuvres sentent le romantisme. Thomas Lawrence (1769-1830), un jeune prodige va vite les concurrencer. Doté d’un sens aigu de la dramaturgie, il éblouit dans son travail de la couleur. Figure de proue du mouvement romantique, il sera nommé président de la Royal Academy en 1820.
Les années 1730 et 1740 voient l’apparition des conversation pieces : représentation d’un groupe de personnes, dans un contexte familial ou amical décrivant une scène de conversation, de jeux de cartes, de production musicale. Au lieu de fixer le spectateur, ils conversent entre eux. Avec Johan Zoffany et Francis Wheatley (1747-1801), la conversation piece évolue dans les années 1760-1770 vers plus de naturel et de liberté. Mais ces images restent composées autour du chef de famille. Avec George Romney et Joseph Wright of Derby (1734-1797), les formats s’agrandissent. Le portrait qui brouille la véritable identité sociale des modèles connaît un grand succès. Joshua Reynolds s’en amuse dans ses portraits d’enfants, en évoquant de célèbres références.
Le paysage a permis à de nombreux peintres de s’exprimer plus librement que dans le portrait où les exigences du commanditaire sont plus contraignantes. La représentation des campagnes et de la vie rurale prend de l’importance parce que s’y rejoignent la recherche d’une identité nationale, un mode d’expression artistique et une évolution des forces. Croquer sur le motif devient un principe essentiel pour toute une génération de peintres qui se met à sillonner la campagne en quête de sujets. Francis Cotes, le représente avec le portrait du peintre Paul Sandby.
Dans les années 1750-1760, Richard Wilson (1714-1782) crée des paysages non dénués de dignités ni d’ambition artistique. George Stubbs (1724-1806) fait des activités de plein air, dont la chasse, le sujet de ses œuvres.
Le succès du paysage repose également sur sa dimension commerciale. Il y avait un véritable marché pour la peinture de paysage occupé par les Hollandais et Flamands. La société qui émerge ne fait que renforcer la demande. George Morland (1763-1804) lança sa carrière en 1791 avec une scène de la vie rurale exposée à la Royal Academy. John Constable (1776-1837) investit émotionnellement le paysage. On y voit une anticipation de l’impressionnisme.
Dans les années 1760-1770, l’aquarelle est encore utilisée de façon traditionnelle. Elle apporte surtout de la couleur à des dessins. Alexander Cozens et son fils John Robert (1752-1797), Joseph William Turner (1775-1851) découvrent de nouvelles façons d’exploiter ce médium, en travaillant par lavis, aplats ou taches. Mécontents de la manière dont leurs œuvres étaient accrochées à la Royal Academy, ils se regroupent dans la Society of Painters in Water Colours et organisent leurs propres expositions à partir de 1805. De petites dimensions, peu coûteuses représentant des sujets faciles d’accès, les aquarelles s’adressent au marché de l’art bourgeois en plein essor.
Joseph Mallord William Turner, Partie de la façade de Saint-Pierre de Rome, avec l'Arco delle Campane (1819).
Au cours du XVIIIème siècle, les Britanniques deviennent les principaux acteurs de la traite négrière transatlantique. Les arts plastiques ont contribué à voiler les dures réalités de l’empire britannique. Les portraits d’esclavagistes notoires font rarement allusion à l’origine de leur richesse. Rares sont les images qui évoquent la résistance des esclaves ou dépeignent la violence de cette exploitation humaine. Ainsi, dans sa représentation de la vie anglo-indienne Zoffany reprend les principes de la conversation piece, les rehaussant de quelques touches d’exotisme. De même les vues de l’Inde de Thomas Daniell (1749-1840) se veulent sereines et intemporelles. John Downman (1750-1824) choisit de représenter un général étudiant une carte de l’île de Grenade. Agostino Brunias (1730-1796) choisit de représenter la vie dans les plantations des Caraïbes. Les couleurs et l’ambiance de fête de ce tableau m’ont tellement plu que je l’ai agrandi et encadré chez moi.
Au XVIIIème siècle, la peinture d’histoire, au sommet de la hiérarchie des genres, ne correspond pas aux besoins de la société marchande britannique. Ni les princes, ni les institutions religieuses ne sont disposés à financer de grands décors narratifs. Cette situation engendre beaucoup de frustrations chez les artistes. Ils peinent à assurer leur subsistance et sombrent dans la dépression voir l’alcoolisme, comme par exemple Daniel Stringer (1754-1808) ou Edward Dayes (1763-1804) qui se suicida.
Dans les années 1780, la situation évolue. Le public se bouscule dans les salles de spectacle londoniennes. Les thèmes inspirés du théâtre constituent le départ d’une nouvelle peinture d’histoire populaire. Des artistes se tournent vers des sujets dramatiques et fantastiques. Henry Fuseli (1741-1825) en est le plus surprenant. D’autres comprennent que pour être vu dans une exposition, il faut privilégier l’impact visuel, et non la morale de la scène. C’est dans ce contexte que s’explique le succès de Turner qui a su trouver un compromis entre peinture ambitieuse et vues spectaculaires. L’œuvre de John Martin (1789-1854) y fait écho.
Cette exposition m’a fait découvrir de nombreux peintres que je ne connaissais pas. Pour approfondir, j'ai prévu d'aller au musée des Beaux-Arts de Bordeaux. Cet automne, il organisera une exposition sur la peinture britannique : http://www.musba-bordeaux.fr/fr/article/expositions-la-belle-saison-britannique.